Par Caroline Sanchez Valero, Écotech Québec, en collaboration avec le Fonds d’action québécois pour le développement durable.
Quelle période ! La situation est complexe pour les entreprises, alors qu’elles sont entrées brusquement dans la gestion d’une nouvelle réalité sanitaire qui paralyse la planète entière. Elles doivent gérer des approvisionnements incertains, des employés en télétravail, des clients en attente — qui eux-mêmes font face à des enjeux équivalents — et des états financiers à la dérive. Le « business as usual » n’est plus de mise.
Ce contexte particulier, nouveau pour tous, entraîne des réactions et des changements non seulement à l’échelle des individus, mais aussi à celle des entreprises. Nous avons cru bon de mettre en lumière les 5 phases d’évolution de l’entreprise en temps de crise, de la survie à l’auto-actualisation. Nous espérons que cette lecture permettra aux gestionnaires/entrepreneurs de situer leur entreprise, puis de se projeter dans un futur riche en nouvelles opportunités. Il pourrait aussi s’agir d’une occasion de réfléchir à la mise en place d’initiatives, dont certaines liées à l’écoperformance et à l’innovation, permettant d’augmenter la résilience des entreprises.
Voici un résumé de ces 5 phases:
1 – La phase de survie. La phase 1 se dessine comme une réaction aux nouvelles réalités associées au confinement. On assiste au changement des règles du commerce local et international. Les gestionnaires d’entreprise tentent de comprendre l’impact de ces nouvelles règles sur le cycle de production ou la chaîne de valeur, alors que les employés s’inquiètent souvent des suites: faillite ou relance de l’entreprise, maintien de l’emploi ou mise à pied, etc.
2 – La phase de sécurité. L’information circule mieux et le choc du départ fait place à la mobilisation pour garantir la sécurité de façon générale. Le travail à distance est effectif et les activités sont maintenues, dans la mesure du possible, pour les entreprises jugées essentielles et pour celles dont les activités peuvent se poursuivre de façon adaptée.
3 – La phase d’appartenance. La nouvelle normalité s’installe et les entreprises qui le peuvent adaptent leurs produits et services en les mettant au service de la lutte contre la crise (dans ce cas précis, la Covid-19). On assiste à une transformation de la pensée entrepreneuriale (comment mon entreprise peut être utile au plan collectif, en ces temps incertains?), à une modification temporaire de la chaîne de valeurs, voire même, à l’entraide commerciale. Bref, tous les ingrédients pour faire des entreprises plus responsables et solidaires!
C’est la phase dans laquelle plusieurs entreprises se trouvent actuellement au Québec. Les exemples d’entreprises qui convertissent leur chaîne de production se multiplient. Certaines fournissent des blouses médicales plutôt que des chandails de hockey, des respirateurs à la place de pièce automobiles, des tests de dépistage au lieu de tests d’ADN, ou encore des gels hydroalcooliques à la place de la vodka. On ressent que l’entreprise cherche à contribuer de façon plus significative à l’effort et aux objectifs collectifs.
4 – La phase d’importance. De nombreux changements ont été vécus depuis la phase 1. Cela a engendré des transformations plutôt importantes dans la façon de travailler pour chaque entreprise. Il s’agit maintenant de les mettre à profit pour une vraie transformation.
Bien sûr, si vous n’êtes pas une entreprise qui a « bénéficié » de la crise (on pense aux compagnies de visio-conférences), vous avez probablement perdu de l’argent. Une période de crise amène forcément à revoir son modèle d’affaires. On s’active pour trouver des solutions, donc on regarde là où ça ne va pas, là où on veut s’améliorer pour faire des économies et trouver un nouveau marché plus porteur, plus utile, enfin plus durable pour se tailler une place dans l’avenir. Comment réduire son empreinte écologique tout en devenant plus compétitif ? Nous pouvons citer plusieurs entreprises au Québec qui ont adopté des pratiques d’affaires responsables ou des technologies propres dans les dernières années. C’est notamment le cas de Restos Plaisirs qui, avec l’adoption d’un robot capable de gérer ses résidus alimentaires dans deux de ses restaurants, a non seulement valorisé cette matière en biogaz, mais a également économisé environ 2 500 $ par restaurant mensuellement en termes de coûts de consommation de ressources matérielles, de ressources humaines et d’énergie!
5 – La phase d’auto-actualisation. Pendant cette phase, la situation est de mieux en mieux contrôlée et l’entreprise a actualisé sa chaîne de valeur en tirant profit des changements qu’elle a vécus parfois pro-activement, souvent plutôt en subissant. Elle a pris du recul à l’étape 4 et arrive à voir clairement les opportunités de marché qui se sont créées, de même que l’impact qu’elle peut avoir dans sa communauté et sur l’environnement. C’est le moment de mettre en place de nouvelles stratégies et d’implanter des technologies innovantes qui lui permettront de mieux traverser la prochaine crise, dotée d’une résilience augmentée : approvisionnement local et diversifié, efficacité énergétique, conversion à l’énergie renouvelable, économie circulaire… autant de mesures qui permettent, à terme, de réduire les coûts et de développer de nouvelles opportunités d’affaires.
Espérons que d’ici quelques mois, nous aurons le plaisir de constater que cette période aura été le point tournant pour plusieurs entreprises dans l’adoption d’un modèle d’affaires plus durable, propice à augmenter leur résilience.